La mémoire glaciaire du Mont-Blanc en Antarctique
Une équipe de chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et de l’Université Grenoble Alpes a commencé le 15 août 2016 à prélever des carottes dans les glaces du massif du Mont-Blanc afin de préserver une véritable mémoire scientifique.
En effet, la glace « constitue une source d’information inestimable pour retracer notre passé environnemental, rendre compte de l’évolution climatique et surtout pour comprendre notre avenir. »*
Tente de forage au col du Dôme et sommet du Mont Blanc, dans les Alpes. (JOURDAIN, Bruno / CNRS Photothèque)**
Un patrimoine en danger...
D’après Jérôme Chappellaz, le chercheur à l'initiative de ce projet, ce patrimoine est « en train de disparaître sous nos yeux ! »*
Il en va donc de la responsabilité des équipes scientifiques actuelles de conserver et rendre accessible aux générations futures des échantillons de ces précieux glaciers.
« Depuis 1850, les glaciers alpins ont perdu 50% de leur masse, et on estime que d’ici la fin du XXIe siècle, ceux culminant à moins de 3500 mètres auront disparu. »
Pour les experts glaciologues et climatologues, « le problème se pose dès lors que le glacier atteint en surface une température positive. Cela s’est produit plusieurs jours au col du Dôme en juillet 2015. Dans ce cas, l’eau de la fonte peut s’infiltrer et percoler à travers les couches sous-jacentes, ce qui a pour effet de détériorer les données chimiques plus anciennes. La mémoire du glacier est alors endommagée, au risque d’être perdue à tout jamais. »*
...en France, et ailleurs
Jusqu’à début septembre, des personnels français, italiens et russes extrairont au niveau du col du Dôme (4 300 mètres), dans le massif du Mont-Blanc, trois échantillons de 130 mètres de long, par tronçons d’un mètre, qui seront conservés dans un premier temps à Chamonix. Les carottes glacières issues des forages seront mises à l’abri et stockées à partir de 2020 en Antarctique, et un échantillon sera conservé en Europe.
La base Concordia recevra par la suite des prélèvements de glaciers de tout le globe, et constituera une sorte de « bibliothèque mondiale d’archives glaciaires issues de glaciers menacés par le réchauffement climatique. »**
Les carottes de glace seront stockées à la base Concordia, en Antarctique, dans des conteneurs enfouis à 10 mètres de profondeur. Température ambiante : - 54°c. (JOURDAIN, Bruno / CNRS Photothèque)*
Le massif du Mont-Blanc : première étape du projet
« Le glacier du col du Dôme constitue la première étape de ce projet majeur initié en 2015 par le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE, unité mixte de recherche du CNRS et de l'Université Grenoble Alpes) ainsi que par l’Université Ca’Foscari de Venise (Italie) et le CNR (Conseil national de la recherche italien), sous l’égide de la Fondation Université Grenoble Alpes.
Une deuxième mission, plus longue et plus complexe, se déroulera en 2017 dans les Andes en Bolivie (glacier Illimani). D’autres pays sont déjà candidats pour s’inscrire dans ce projet et sauvegarder la mémoire des glaciers auxquels ils ont accès : l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, le Brésil, les États-Unis, la Russie, la Chine, le Népal, le Canada. »**
Le mot du climatologue Jean Jouzel, parrain de l’Observatoire Des Saisons :
« Dans les prochaines décennies ou même les prochains siècles, ce patrimoine englacé aura une valeur inestimable : pour des trouvailles scientifiques totalement inédites ou pour comprendre les évolutions locales de l’environnement. Je soutiens pleinement ce projet. »**
* Carina Louart, « Les glaces du Mont-Blanc à l'abri en Antarctique ». CNRS Le journal, 09.08.2016.
** Communiqué de presse « Sauvegarder la mémoire de la glace : les scientifiques se mobilisent pour créer un patrimoine glaciaire mondial pour les générations futures ». CNRS, 20.07.2016.