Le 16 avril 2015, par admin

L'interview ODS de Jean Jouzel

Croyez-vous tout savoir sur Jean Jouzel ? L'équipe ODS a eu la chance d'interviewer le climatologue français de renommée internationale et de lui poser 10 questions. Aujourd'hui, nous sommes très heureux de partager avec vous le recueil de ses réponses !

ODS : Comment votre parcours vous a-t-il conduit à devenir une figure incontournable de la « lutte contre le Changement Climatique ?

Jean Jouzel : « Je ne sais pas si je suis une figure incontournable mais je m'investis dans cette thématique depuis un moment. J'ai commencé ma thèse en 68 sur la formation de la grêle ; ensuite j'ai travaillé sur la reconstruction du climat à partir de forages en Antarctique et Groenland et j'ai eu la chance de faire partie de l'équipe qui a participé à des découvertes sur le lien entre les gaz à effet de serre et le climat passé. L'étude des climats passés nous permet de mieux comprendre l'évolution future du climat... et c'est ça qui m'intéresse, voir comment le passé peut nous apporter ces connaissances ! J'ai été très impliqué dans les thématiques liées au climat futur dès mon entrée à l'Institut Simon Laplace en tant que directeur, et surtout, dès mon entrée au GIEC. Donc, c’est à travers ces contributions scientifiques que je me suis intéressé à la lutte contre le changement climatique. »

Pouvez-vous nous décrire vos activités actuelles ?


« Je fais moins de recherche... mais je travaille encore notamment sur les forages en Antarctique, et j'ai beaucoup d'activités liées à la communication, soit pour le grand public lors de conférences, soit dans le domaine plus politique, par exemple au conseil économique, social et environnemental. Je m'implique pas mal dans l'organisation de la conférence scientifique qui se tiendra à Paris en Juillet prochain et j'ai accompagné, par exemple, le président de la république à Manille. Je lis beaucoup ! Et j'écris des livres, ça prend du temps aussi, et quelques articles quand même ! »

Quel événement scientifique ou politique vous a le plus marqué au cours de votre carrière ?

« Ouh làlà ! [Rires] On a pas droit à un joker, un joker pour celle-ci !? ... Scientifiquement j'ai eu la chance d'être dans l'équipe qui a montré le lien entre les gaz à effet de serre et le climat passé... c'était un résultat important et cela eu un impact énorme ! Cela m'a beaucoup marqué. »

Avez-vous eu un mentor ? Lequel et pourquoi ?


« Oh oui, oui... durant ma thèse je réalisais des analyses isotopiques de la grêle... à ce moment là, Claude Lorius apportait ses échantillons de neige de l’Antarctique sur lesquels était réalisés les mêmes analyses. On s'est beaucoup croisé au labo durant ce temps et à la fin de ma thèse il m'a dit « tu devrais faire de la « glacio » et prendre en charge cette partie » et c'est comme ça qu'il m'a entrainé à travailler dans ce domaine. »


Le GIEC est co-lauréat du prix Nobel de la paix en 2007, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?


« Ce prix nous a été décerné au GIEC conjointement avec Al Gore, il s'agit d'un prix collectif. Mais en tant que membre du GIEC j’en suis très fier ! Après, que signifie ce prix ? Que si rien n'est fait vis à vis du changement climatique, ça sera difficile d'avoir un développement harmonieux de nos civilisations. En quelque sorte lutter contre le changement climatique est aussi lutter pour la paix dans le monde. »

Dans le cadre de la COP21, la France met en avant le besoin d'être « exemplaire » ; que peut-on raisonnablement en attendre ?


« Déjà que le projet de loi sur la Transition énergétique soit voté rapidement et mis en action de façon très efficace, le but étant de réduire par 4 les émissions en France entre 2050 et 1990 ce qui est un objectif ambitieux ; 3/4 de ces émissions sont liées à nos d'énergie, de ce fait la mise en place de cette loi devrait pouvoir contribuer à des changements dans ce domaine. »

Que pensez-vous du travail des associations dans la mise en place des programmes de sciences participatives ?

« Pour avoir eu pas mal de contact avec les associations (au sein du groupe environnement du Conseil économique, social et environnemental où les associations sont représentées), je sais qu'elles ont un rôle très important car ce sont des véritables relais auprès du grand public... elles sont en contact direct avec les réalités de terrain, de ce fait elles ont le rôle d'apporter des outils. Puis, pour ce qui est de la mise en place des sciences participatives je suis assez favorable... Là les associations ont le rôle d'encadrer afin que les données alimentent les programmes scientifiques derrière... de conserver la rigueur scientifique chez les participants. »

Selon vous, est-ce que ces programmes peuvent aider à faire évoluer les pratiques des citoyens ?

« Oui bien sûr! Notamment si on fait le lien entre plusieurs aspects (climat, biodiversité, pollution...). Si on s’implique dans un tel programme (ODS) on peut participer, de façon concrète, à suivre les changements climatiques via l'observation... les participants touchent des doigts des notions de perte de biodiversité et changements environnementaux ce qui les amène à mieux prendre conscience de ce qui se passe... c'est plus concret que de donner des chiffres ! »

Croyez-vous que la parole des citoyens pourra être entendue lors de la COP21 ?

« Il le faut car je pense que le succès de la COP21 passe par une adhésion du citoyen à cette volonté de lutte contre le réchauffement climatique, car c'est une conférence importante. »

Pourquoi avez-vous accepté de devenir parrain du programme de Sciences Participatives Observatoire Des Saisons ?


« ODS a des objectifs desquels je me sens proche : comprendre le changement climatique... d'ailleurs, j'utilise souvent l'exemple des vendanges pour parler de cette problématique et comment elle nous touche.
En plus, je m’y suis pas mal intéressé dans le cadre de l'ONERC qui met en place des indicateurs de changement climatique, car ODS répond à ce besoin de mise en place d'indicateurs faune/flore. Il faut donc maintenir cet observatoire, garder la participation dans la durée, afin d'avoir dans 10 ans, 20 ans des données riches qui puissent répondre aux questions sur l'évolution future des êtres vivants face aux changement climatique.
Le problème du changement climatique est un problème qui nous touche tous, donc toutes les voies pour faire prendre conscience de ce problème doivent être utilisées et ODS est dans cet esprit. Les citoyens sont moteurs de l'action ! »

BONUS ! Avez-vous un message à adresser aux observateurs de l’ODS pour les encourager à aider les scientifiques ?


« Vos observations sont importantes pour le monde scientifique et aujourd'hui il y a une nécessité de ne pas baisser les bras... il faut continuer ainsi afin d'avoir un grand nombre de données utilisables et à utiliser. Donc un grand merci de votre implication ! »

 

Jean Jouzel à la conférence des jeunes chercheurs

Crédits photographiques : Kwotex (CC BY SA, via Flickr)

Propos recceuillis en mars 2015 par Camila Leandro pour l'équipe ODS.