Dépérissement de la chênaie en forêt de Vierzon
Au cours des dernières années, des dépérissements de chênes pédonculés ont été observés dans de nombreuses forêts de France. La forêt domaniale de Vierzon (Cher) est particulièrement affectée par ces phénomènes. Sécheresse, tempête de décembre 1999, fortes précipitations printanières, attaque de champignons... quels sont les causes de ces dépérissements ?
Permalien : http://videos.tf1.fr/jt-we/climat-la-foret-en-danger-6712051.html
Historique du problème
La présence de dépérissements en forêt de Vierzon comme dans d’autres forêts est signalée dans les années 1920 et dans les années 1940. En 1926, le chêne pédonculé sur l’ensemble du massif dépérit et tout particulièrement sa forme tardive très abondante dans les bas-fonds froids et humides. Des milliers d’arbres succombèrent sur plus de 150 ha. Si un rôle prépondérant est donné aux défoliations de juin 1920 et juillet 1921, d’autres observations de l’époque signalent l’inadaptation aux conditions écologiques et sylvicoles, la sécheresse de 1921, les attaques répétées d’oïdium (champignon) et les gelées printanières.
En 1982, une récolte importante d’arbres dépérissant, essentiellement des chênes pédonculés, fut mise en œuvre dans les stations à très forte contrainte hydrique. Les dépérissements d’ampleur se sont arrêtés dans les années 90.
Depuis juillet 2000, on assiste à un nouveau développement des dépérissements qui touchent essentiellement des chênes pédonculés.
Depuis 2000, de nombreux chênes présentent des houppiers très clairs, où les branches mortes comptent pour plus de 50 % du houppier. La mortalité moyenne au sein du massif était en 2000 estimée à 1 m3 par ha, soit environ 900 m3 sur la forêt répartis de façon variable.
Aujourd’hui, où en sommes nous ?
Un dépérissement massif des chênes pédonculés a été observé entre 2000 et 2004 avec une culmination très marquée en 2003. Ainsi 100 000 m3 seront exploités en trois ans sur plus de 1 000 ha. Les différents diagnostics qui ont été faits depuis l’année 2000 sont tous concordants pour confirmer les hypothèses suivantes expliquant ces dépérissements :
Facteurs prédisposants
La relation essence-station et l’âge apparaissent comme les facteurs prédisposants les plus probables. En effet, toutes les stations concernées par les dépérissements sont éloignées de l’optimum du chêne pédonculé (fertilité minérale faible, sol sec en été).
Facteurs déclenchants
Quatre hypothèses non exclusives ont été discutées durant ces dernières années.
– Sécheresse de 1996 et de 1998 ? Un décalage de plusieurs années entre un stress hydrique et son impact visible sur les houppiers des chênes pédonculés est classiquement observé. Des éléments rendent néanmoins cette hypothèse en partie caduque : au cours de la période de sécheresse 1989 – 1992 beaucoup plus longue et beaucoup plus sévère que celle de 1996, les mortalités dans ce massif sont restées bien en deçà de celles observées aujourd’hui. Cet épisode de sécheresse a frappé une grande partie du nord-ouest de la France et ce massif est le seul où des dépérissements de chêne anormalement élevés ont été signalés.
– Tempête de décembre 1999 ? Peu de chênes sont tombés lors des tempêtes de décembre 1999 dans ce massif. On peut néanmoins penser que les systèmes racinaires ont été en partie lésés. Comme pour le point précédent, l’absence de signalement de dépérissement de chêne dans des zones où les vents ont été beaucoup plus violents rend cette hypothèse peu crédible.
– Ennoiement des systèmes racinaires au printemps 2000, répété au printemps 2001 ? Effectivement les précipitations au printemps et en début d’été 2000 ainsi qu’en 2001 ont été exceptionnellement fortes. L’ennoiement du système racinaire aurait ainsi pu faire mourir des arbres préalablement affaiblis. Le fait d’observer des dépérissements sur des stations très différentes y compris sur des stations où le sol est très filtrant limite l’implication de cette hypothèse comme facteur unique.
– Attaques d’oïdium ? Les années 1998 et 1999 ont été marquées par des attaques d’oïdium très fortes. Leur impact sur les chênes tardifs est plus fort que sur les autres chênes. En effet, la première feuillaison des chênes sessiles et pédonculés “ normaux ” est souvent épargnée par ce pathogène. Les chênes tardifs sont ainsi chaque année plus ou moins attaqués dès leur débourrement si bien que leur activité chlorophyllienne est très réduite certaines années. Comme dans de nombreux dépérissements, il est vraisemblable qu’il n’y ait pas un facteur déclenchant unique qui permettrait de comprendre simplement le processus en cours mais plutôt une addition de causes qui finissent par faire basculer les peuplements vers un dépérissement.
De nombreux facteurs aggravants comme des agents biotiques (chamignons, insectes défoliateurs, etc), des évenements biotiques ou climatiques particulièrement marquants (canicule de 2003, sécheresse de l’été 2005, grêle de l’été 2005) ont sûrement un impact supplémentaire sur la vitesse d’évolution du dépérissement.
Les chênes pédonculés de la forêt de Vierzon vont-ils tous disparaître ?
Les facteurs prédisposants au dépérissement du chêne pédonculé sont tellement importants sur ce massif que tout accident (sécheresse, défoliation due à un insecte ou champignon…) entraîne inévitablement de nouveaux dépérissements dont l’ampleur et la rapidité sont impossibles à prévoir. Ainsi, les sécheresses répétées, la période exceptionnelle de canicule 2003, les printemps humides qui se succèdent de 1998 à 2002, les attaques d’oïdium réitérées constituent une conjoncture sanitaire néfaste qui exacerbe un contexte stationnel défavorable.
Cette forêt constitue un cas d’école où les gestionnaires ne doivent pas faire la confusion entre les problèmes liés au réchauffement climatique de notre globe et ceux liés à des problèmes stationnels, que des accidents climatiques et biotiques viennent amplifier. Cela montre que pour toutes les essences exigeantes au niveau stationnel (hêtre, chênes pédonculés,…), l’adéquation entre station et essence doit être étudiée et appliquée avec encore plus de rigueur qu’hier car rien ne permet de penser que nous aurons moins d’accidents climatiques dans les années à venir.
Texte tiré du document pdf joint de Gilbert Douzon.