Le 20 décembre 2024, par Jacqva

Météo et floraisons en 2024

Il y a une quinzaine d'années j'ai commencé à m'intéresser aux relations entre la météo et les floraisons. Côté météo, je relève quotidiennement les températures matinales (vers 8h 30) et d'après-midi au thermomètre de mon balcon à l'ombre (immeuble situé près des remparts de Maubeuge). Et je continue toujours ce qui me donne une masse importante de données que j'essaie d'exploiter.

En ce qui concerne les floraisons, j'ai sélectionné plusieurs espèces, présentent en quantité suffisamment importante et bien visibles. Je fais un suivi et recherche la date qui correspond aux 10% de floraison. Pour calculer cette date, j'ai déterminé vingt stations sur le chemin serpentant dans les remparts. Selon le nombre de fleurs, je donne une note allant de 0 (rien) à 3 (4 touffes ou plus) à chaque station. Ce qui me donne un coefficient d'abondance de 60 au maximum. J'applique cette méthode depuis le début, ce qui me permet d'avoir un historique très fiable.

L'hiver 2024 :

Cet hiver (décembre 2023 à février 2024) est le plus chaud depuis 2010. Les températures tournent autour de 8 à 10°C le matin et 9 à 11°C l'après-midi. Côté ciel, on constate une écrasante majorité de temps couvert ou très nuageux. Le vent souffle quasiment tous les jours parfois fort. C'est un hiver de tous les records depuis 2010 : plus chaud, plus pluvieux et le plus gris. Pourtant on ne ressent pas vraiment ces températures élevées, contrebalancées par le vent qui rend le temps beaucoup plus froid qu'il n'est en réalité.

Nous avons quand même eu une période de deux semaines en janvier très froide, dignes d'un véritable hiver. Températures autour de -2 à -7°C le matin et -3 à 0°C l'après-midi, ciel plus clair avec de nombreuses journées où le ciel bleu domine, une journée de neige qui a tenu quatre jours.

Le printemps 2024

Ce printemps (mars à mai), les températures sont toujours au-dessus de la moyenne, mais l'écart se resserre. On note quelques exceptions, en particulier, après de fortes valeurs culminant de 20 à 23°C du 5 au 15 avril, elles chutent à 10°C l'après-midi et 4-5°C le matin (un jour avec gelée blanche) pour remonter en fin de mois.

Le ciel est le plus souvent gris ou couvert, les journées ensoleillées sont rares, 5 jours au maximum pour chacun des trois mois. La pluviométrie est très importante, en mai elle ralentit mais reste au-dessus des moyennes.

En résumé, c'est le printemps le plus chaud, le plus gris et le plus humide depuis 2010.

Floraison de la Renoncule ficaire (Ficaria verna) :

La Renoncule ficaire est une plante très intéressante. C'est la fleur printanière marquant le renouveau de la nature. Fleurissant début mars, elle est très fréquente dans les remparts de Maubeuge, avec de grandes fleurs jaunes faciles à repérer. Généralement les premières feuilles apparaissent à la mi-janvier, le développement de la plante se poursuit tout au long de février pour arriver aux premières fleurs début mars. La floraison est suivie régulièrement. En 2024, les premières fleurs apparaissent le 23 février, les 10% étant atteint le 26 février.

Le graphique ci-dessous retrace l'historique des floraisons de la Renoncule ficaire depuis 2010. J'ai d'abord calculé la moyenne des dates pour lesquelles la floraison atteint 10% pour les années 2010 à 2018, représentée par le pointillé noir (floraison typique). Le trait continu noir correspond à l'écart des débuts de floraison annuelle avec cette moyenne. Les pointillés bleus et rouges représentent la température moyenne matinale et d'après-midi en février de l'année correspondante.

La première constatation est que les floraisons suivent parfaitement les températures. Février froid et floraison retardée, février chaud et floraison précoce. L'année 2019 semble en anomalie, un léger retard de floraison malgré de fortes températures. Or contrairement à l'habitude où les sols sont toujours très humides en hiver et même au début du printemps, il n'a presque pas plu en février 2019, janvier a également vu moins de précipitations, les sols étaient donc très secs une grande partie de l'hiver. Ce qui à mon avis a entrainé un retard dans les floraisons.

La seconde constatation est que la floraison est bien centrée sur la moyenne jusqu'en 2019. L'année 2013 est exceptionnelle par sa météo exécrable qui a entrainé un retard de floraison de 15 jours durant tout le printemps et même l'été. A partir de 2020, les floraisons sont constamment en avance, de 10 à 15 jours en moyenne. Les courbes de températures montrent qu'à partir de cette date, il fait nettement plus chaud qu'auparavant.

L'année 2019 peut être considérée comme un point de bascule dans la météo du mois de février.

Autres floraisons en mars :

J'ai suivi trois autres espèces qui commencent à fleurir en seconde quinzaine de mars. C'est d'abord le coucou (Primula veris) avec une date typique des 10% de floraison le 25 mars, puis le pissenlit (Taraxacum officinale) le 30 mars et la cardamine des prés (Cardamine pratensis) le 1er avril.

Le graphique ci-dessus est tracé suivant le même principe que précédemment, mais cette fois en comparant les floraisons aux températures de mars.

Les températures sont logiquement un peu plus élevées qu'en février. L'évolution au fil des années est légère mais pas négligeable avec plus un degré environ de moyenne en 15 ans. Les floraisons sont bien groupées, les courbes en dents de scie sont parfaitement inverses aux courbes des températures.

Comme en février, les températures sont constamment les plus élevées à partir de 2019, les points bas comme en 2013 et 2017 ont disparu. Cela se traduit encore par une avance des floraisons de 5 à 10 jours, moins importante que pour la ficaire.

Floraisons en avril

En avril j'ai relevé quatre espèces : l'Alliaire (Allaria petiolata), le Cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris), la Vesce des haies (Vicia sepium) et la Passerage drave (Lepidium draba). La précocité des floraisons est comparable à celle de mars. Les 10% sont atteint avec une avance de 10 à 15 jours, bien que les températures soient proches de la moyenne. L'influence des mois précédents est prépondérante. Ce qui me semble normal, la croissance des plantes s'étalant sur plusieurs mois.

Les températures sont beaucoup plus homogènes, on ne retrouve plus les fortes valeurs à partir de 2022.A noter l'année 2011 particulièrement chaude avec plus de la moitié des journées de 20°C. L'année 2024 est proche de la moyenne, le dôme de température constaté à 20-23°C entre le 5 et le 15 avril est compensé par la période froide (8 à 12°C) qui sévit du 15 au 25 avril.

Ces quatre plantes sont bien groupées au fil des années. Un seul écart, en 2014 la Vesce des haies était très en avance avec 33 jours avant la date théorique ! A partir de 2019, la relation températures-floraisons s'estompent, particulièrement 2021 et 2023 pour lesquelles les floraisons sont en retard malgré des températures élevées. A partir de 2021 on est plus proche des valeurs typiques. Le mois de février perd de son influence. En 2024 il y a encore 6 à 12 jours d'avance de floraison.

Floraisons en mai

En mai, quatre autres plantes ont été suivies : la Crépide des prés (Crepis biennis), l'Eglantier (Rosa canina), le Nénuphar (Nuphar lutea) et la Centaurée noire (Centaurea nigra). Les floraisons sont plus proches des valeurs typiques, à l'exception des années 2013 (toujours très en retard et temps exécrable) et 2014 (très en avance et chaud). En 2024, les floraisons sont encore précoces, mais l'avance est plus réduite, seulement 7 à 10 jours. Février et mars commencent à perdre leur influence. Côté températures, il y a toujours des années hautes et d'autres basses, mais cela se répartit plus uniformément sur les 15 ans.

L'été 2024 (juin à août)

Le temps humide et frais, avec toutefois une belle période ensoleillée du 6 au 9 juin, se termine le 25 juin. Le ciel s'améliore nettement avec alternance de passages ensoleillés et chauds et d'autres périodes de ciel gris moyennement pluvieux et plus frais. A partir du 15 juillet, le temps s'améliore encore, avec de très belles périodes ensoleillées, les températures restent constamment au-dessus de 25°C, les pluies sont plus rares. Ce temps dure jusqu'à la fin août. Si juin est le mois le plus mauvais après ceux de 2011 et 2012, Juillet est dans la moyenne et août fait partie des mois les plus beaux (après 2020 et 2022).

Floraisons en juin

En juin trois plantes sont suivies : l'Achillée millefeuille (Achillea millefolium), la Berce commune (Heracleum sphondylium) et l'Epilobe hirsute (Epilobium hirsutum). Cette fois les floraisons correspondent aux dates typiques, conséquence des mois d'avril et mai proche des moyennes et juin nettement plus frais.

En juillet et mois suivants, je n'ai pas pu faire d'autres relevés, une partie de mon chemin habituel dans les remparts étant difficilement accessible suite à l'absence d'entretien.

Résumé

Le tableau ci-dessous résume le déroulement des floraisons en 2024 et sa comparaison avec les températures, mois par mois.

Mois

Moyenne T°C 2024

Après-midi

Moyenne T°C 2010-17

Après-midi

Espèce

Avance de la floraison en jours

Février

9,6

5,5

 

 

Mars

12,4

11,1

Ficaire

15

Coucou

10

Pissenlit

11

Cardamine des prés

15

Avril

14,6

15,2

Alliaire

10

Cerfeuil sauvage

12

Vesce des haies

15

Passerage drave

10

Mai

18,9

19,2

Crépide des prés

8

Eglantier

10

Nénuphar

9

Centaurée noire

7

Juin

20,4

21,4

Achillée millefeuille

2

Berce commune

-1

Epilobe hirsute

8

L'avance des floraisons est nette au début de l'année quand les températures sont au-dessus des moyennes. Elle décroit ensuite en mai, pour correspondre aux floraisons typiques en juin à cause de températures inférieures à la moyenne.

L'automne 2024 (septembre à novembre)

Le temps de cet automne correspond à peu près à la moyenne de ces 15 dernières années. Côté températures, les matinales sont légèrement plus élevées (+0,9°C), mais les après-midis sont à peine plus faibles (-0,6°C). Il y a un peu moins de ciel bleu, pour chacun des trois mois, tout comme l'humidité.

Résumé météo des 15 dernières années

Le tableau ci-dessous donne les températures moyennes des après-midi, réparties par saisons et années. Les cases colorées en rose représentent les cinq saisons le plus chaudes, en bleu, ce sont les quatre plus froides. Les saisons les plus chaudes sont un peu plus nombreuses à partir de 2019. Les saisons les plus froides sont nettement situées dans le haut du tableau, c’est-à-dire de 2010 à 2015. Les années 2018-2019 semblent correspondre à un basculement du climat.

L'année la plus chaude est 2022, de l'hiver à l'automne. C'est la seule année qui a ses quatre saisons dans la catégorie des plus chaudes. 2020 et 2023 sont également bien placées. 2011 vient s'intercaler dans ce groupe de tête, grâce à un printemps et un automne aux températures particulièrement élevées.

L'année 2024 qui vient de se terminer (je rappelle que mes calculs vont de décembre à novembre afin d'avoir des saisons complètes) n'est classée que 6ème. L'hiver avec 7,3°C est des plus élevés, mais est contrebalancé par les trois autres saisons plutôt moyennes.

Températures saisonnières 2010 à 2024

 Années

Hiver

Printemps

Eté

Automne

Moyenne

Classt

2010

5,1

14,1

23,0

17,2

14,8

10

2011

6,9

17,3

21,6

16,3

15,5

2

2012

5,6

14,4

22,1

14,0

14,0

12

2013

3,9

11,2

22,6

14,3

13,0

14

2014

7,4

15,7

21,4

16,2

15,2

5

2015

5,3

14,0

23,1

14,1

14,1

11

2017

5,9

16,0

23,8

14,2

15,0

7

2018

5,0

15,4

24,6

14,9

15,0

7

2019

7,2

14,2

24,1

14,1

14,9

9

2020

7,4

15,5

23,6

14,9

15,3

3

2021

5,9

12,5

22,2

15,0

13,9

13

2022

7,3

16,0

25,0

16,5

16,2

1

2023

6,6

13,7

23,9

17,0

15,3

3

2024

7,3

15,3

23,0

14,7

15,1

6

Moyenne

6,2

14,7

23,1

15,2

14,8

 

Autre représentation

J'ai représenté l'évolution des températures mensuelles sous forme de graphique. Y figurent les trois dernières années et 2013, la plus mauvaise. En pointillés noirs, la courbe correspond à la moyenne mensuelle 2010-2024.

L'année 2022, la plus chaude (de couleur rouge) avec 16,2°C de moyenne annuelle. A l'exception du mois de juin, la courbe est toujours au-dessus de la référence.

L'année 2013, la plus froide (de couleur bleue) avec 13,0°C de moyenne annuelle. Elle est sous la courbe de référence jusqu'en juin, nettement plus froid de janvier à mars. A partir de juillet, les deux courbes sont similaires.

L'année 2024 (en vert) a une courbe qui colle bien à la courbe de référence, seul février se détache nettement. On est loin des records de températures.

J'ai ajouté en jaune l'année 2023. Les températures sont plus variables, tantôt plus élevées que la moyenne en février, juin et septembre, tantôt plus faibles comme en décembre, avril et juillet.

Conclusion

A Maubeuge, l'année 2024 n'est pas l'année la plus chaude, loin s'en faut. On est loin d'un record de chaleur pour 2024 comme on l'entend à la radio et télévision.

Durant cette courte période de 14 années, les températures semblent s'élever régulièrement, malgré quelques à-coups.

Les floraisons suivent parfaitement les variabilités climatiques.