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Le 10 avril 2024, par Anne-Sophie BRINQUIN

Pour limiter les risques liés à la processionnaire du pin, quelles solutions existent ?

Cet article est proposé par Anne-Sophie BRINQUIN, Ingénieure d'études en entomologie forestière et Directrice de l'Unité Expérimentale Entomologie et Forêt Méditerranéenne (INRAE Avignon).

 

La processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa (Denis & Schiffermüller, 1775), se reconnait par ses chenilles qui se déplacent en procession généralement au printemps, ainsi que par les nids blancs qu’elles tissent sur les pins et cèdres durant l’hiver pour se protéger du froid.

Procession au sol de chenilles processionnaires du pin (© A. Froger-Tela Botanica)

 

Mais en quoi pose-t-elle des problèmes ? 

Pour 3 raisons.

      1. Les chenilles libèrent des poils urticants dans l’air lorsqu’elles se sentent menacées. Ces poils ressemblent à de petits harpons qui vont se planter dans la peau et libérer en se cassant une toxine responsable d’atteintes cutanées, oculaires et respiratoires plus ou moins graves. C'en est devenu un enjeu de santé publique.

Poils urticants véhiculés par les chenilles de la processionnaire du pin - taille environ 200 microns (© I. Bornard-INRAE)

      2. Parce qu’elle s’attaque à toutes les essences de pins et de cèdres et que les défoliations peuvent être extrêmement importantes en phase de pullulation. Cela ne va pas entrainer la mort de l’arbre directement, mais cela va l’affaiblir et le rendre plus sensible au stress hydrique et à d’autres attaques d’insectes.

Nids de processionnaires du pin sur pin noir d’Autriche (© J.-C. Martin-INRAE)

      3. Parce que, bien qu’originaire de l’ensemble du Bassin Méditerranéen, son aire de présence ne cesse de progresser, en latitude et en altitude, du fait du réchauffement climatique, et elle conquiert de nouveaux territoires chaque année.

Évolution de l’aire de présence de la processionnaire du pin en France métropolitaine de 1979 à 2016 
(© J. Rousselet-INRAE)

 

Commençons déjà par mieux la connaître… 

La processionnaire du pin est un Lépidoptère et qui dit Lépidoptère, dit 3 phases de développement successifs : la chenille, la chrysalide et le papillon.

La processionnaire du pin se développe sur une année. Les chenilles naissent à la fin de l’été et présentent déjà un comportement grégaire qui leur est caractéristique. Elles se nourrissent la nuit des aiguilles de leur arbre hôte et vont s’y développer en passant par 5 stades larvaires successifs. Dès les premiers froids, elles vont tisser un cocon soyeux appelé nid d’hiver qui va jouer le rôle de capteur solaire afin de les protéger du froid. Au début du printemps, les chenilles vont descendre pour la première fois de l’arbre où elles sont nées, à la recherche d’un site où elles pourront s’enfouir pour se nymphoser. C’est ce qu’on appelle la « procession de nymphose » et c’est d’ailleurs à cette période que les risques sanitaires sont les plus importants.

Une fois enterrées, les chenilles vont se nymphoser et entrer en diapause (arrêt de leur développement plus ou moins prolongé). Les papillons vont émerger du sol au début de l’été et n’auront que 48 heures pour trouver un-e partenaire, s’accoupler, et pour les femelles trouver un site de ponte et pondre près de 200 œufs en moyenne sous la forme d’un manchon autour de deux aiguilles de pin, avant de mourir.

Papillons mâle (à gauche) et femelle (à droite) de processionnaires du pin (© A.-S. Brinquin-INRAE)

 

Alors, que faire pour limiter le risque ? 

Le but n’est pas d’éradiquer cette espèce mais de limiter le risque sanitaire qu’elle induit. Et pour cela, plusieurs techniques de gestion visant différents stades de développement ont été développées et mises au point ces dernières années, alternatives à l’utilisation des produits phytosanitaires. 

 

Tout d'abord, un traitement bactérien peut être utilisé dès l'automne lorsque les chenilles sont petites.  Ce traitement consiste à appliquer sur le feuillage des arbres infestés une préparation à base d'une bactérie appelée Bacillus thuringiensis kurstaki (Btk), qui une fois ingérée par les chenilles, va attaquer la paroi de l'intestin. La chenille cesse alors de s'alimenter et meurt. Ce traitement nécessite de bonnes conditions climatiques (pluviométrie, vent…), possède une courte période de persistance (entre 8 à 10 jours) et doit être répété pour en optimiser l'efficacité. Ce produit touche toutefois toues les larves de Lépidoptères et peut donc impacter d'autres chenilles non cibles.

 

A la fin de l’automne, des nichoirs à mésanges peuvent également être installés sur les sites infestés.  Les mésanges sont des prédateurs naturels de la processionnaire du pin et vont se nourrir de chenilles plus âgées. Toutefois, la colonisation des nichoirs peut être longue, donc il faut être patient et savoir qu’il faut coupler cette technique avec d’autres moyens pour optimiser la lutte.

 

Durant l’hiver, lorsque les cocons sont bien visibles, ils peuvent être tout simplement récoltés à l’aide d’un sécateur ou d’un échenilloir, mais toujours avec des équipements de protection (combinaison, masques, gants, lunettes) afin de se protéger des poils urticants.

 

Au début du printemps, au moment des processions de nymphose, des pièges à chenilles peuvent être installés. Cette technique consiste à disposer autour du tronc de l’arbre infesté une « gouttière » qui intercepte les chenilles qui partent en procession de nymphose, et qui les dirige vers un sachet rempli de terre où elles se nymphoseront. Il n’y a plus qu’à récupérer le sac, toujours avec des équipements de protection.

 

Enfin, au début de l’été, des pièges à phéromone peuvent être installés afin de piéger les papillons mâles en les attirant à l’aide d’un diffuseur qui va imiter l’odeur de la femelle. Le but sera de réduire les accouplements et donc le nombre de pontes potentielles. 

Et sur le même principe, des diffuseurs de confusion sexuelle peuvent également être installés afin d’émettre dans l’air une grande concentration de phéromone de synthèse dans le but que les papillons mâles soient incapables de trouver les femelles durant leur courte vie, réduisant ainsi les accouplements et donc le nombre de pontes potentielles.

 

Piège à chenilles installé dans une aire de jeu pour intercepter les chenilles lors de leurs processions 
(© A. Froger-Tela Botanica)

 

Ainsi, des solutions existent pour limiter le risque sanitaire et à chaque stade du développement de la processionnaire du pin sa méthode de gestion !

 

Pour de plus amples informations : 

  •       Site internet Ephytia qui propose de la documentation autour de cette espèce : sa description et son cycle de développement par région, son aire de présence, les risques et bons gestes à avoir, les techniques de gestion à disposition…
  •       Livrets « Les clés pour lutter contre la processionnaire du pin ». INRAE. Edition septembre 2023. 21 pages. Auteurs : BRINQUIN Anne-Sophie & MARTIN Jean-Claude
  •       Application AGIIR (Alerter et Gérer les Insectes Invasifs et/ou Ravageurs)

L'application AGIIR vous donne les clés pour identifier, mieux connaître, gérer et déclarer la processionnaire du pin. Nous avons besoin de vos signalements afin de suivre la présence de ce ravageur sur le territoire ainsi que sa phénologie en fonction du climat. Téléchargez gratuitement AGIIR via les QRcodes ci-dessus. Nous vous remercions pour votre contribution !