Floraison et Météo printanières
Un observateur de l’Observatoire Des Saisons partage avec nous son expérience d’observation de la nature dans sa région : Maubeuge, dans le département du Nord.
Comme lui, vous pouvez transmettre des articles ou des brèves sur vos observations ou sur votre participation à l'Observatoire Des Saisons ! Pour cela, écrivez-nous à : contact@obs-saisons.fr !
Comment va se passer le printemps cette année ? On peut suivre les températures régulièrement, c’est peut-être le plus simple. Mais il est possible de pratiquer d’une autre manière. Suivre les floraisons tout au long des trois mois. L’avantage est que l’on met ainsi en rapport météo et apparition des fleurs. Voici la méthode que j’ai appliquée.
Lieu d'étude et un exemple : le cerfeuil sauvage
Les remparts de Maubeuge sont constitués de zones boisées généralement pas très denses, d’endroits bien ensoleillés et de deux étangs. J’y ai défini vingt stations situés le long d’un chemin que je parcours une à deux fois par semaine depuis 2009. A partir de 2011, à chaque station, je fais un décompte des plantes en fleurs de la manière suivante.
J’applique un coefficient de 0 à 3 selon la densité de fleurs présentes pour une espèce. 0 s’il n’y a rien, 1 pour une seule fleur ou un seul groupe, 2 pour 2 ou 3 fleurs ou groupes, et 3 pour un plus grand nombre. Ceci me donne un coefficient d’abondance (CA) maximal de 60.
Les résultats sont mis sous forme de graphiques. Ci-dessous vous avez un exemple du résultat pour le cerfeuil sauvage :
En pointillé noir, j’ai tracé la courbe typique de la floraison du cerfeuil sauvage. Elle correspond à peu près à la moyenne des relevés effectués de 2009 à 2015.
Le début de la floraison typique, calculé à 10% du coefficient d’abondance maximal* est estimé ici au 18 avril. On voit tout de suite que les années 2011 et surtout 2014 sont en avance de plus d’une semaine, 2012 et 2015 en léger retard et 2013 en retard de deux semaines. Les coefficients d’abondance sont à peu près les mêmes quel que soit l’année (35).
Pour les années 2011 et 2015, j’ai enregistré les floraisons jusqu’à la fin, ce qui donne une période totale de floraison d’à peine deux mois. Ce mode d’enregistrement permet de voir également que le cerfeuil sauvage pousse un peu partout dans les parties boisées ou herbeuses, mais moins nombreux aux étangs.
25 plantes étudiées
Pour couvrir les trois mois du printemps j’ai sélectionné 25 plantes parmi les 200 que j’ai identifiées dans les remparts. J’ai choisi les espèces présentes en quantité suffisante et avec des fleurs suffisamment grandes pour permettre de mieux déterminer les débuts de floraison. Mis sous forme de tableau, on obtient le résultat suivant :
La deuxième colonne du tableau indique la date typique correspondant à 10% du coefficient maximal d’abondance (qui marque le début de la floraison).* Les autres colonnes donnent par année, l’écart entre la date réelle avec cette date typique. Les couleurs des cases vont du bleu foncé pour les plus fortes avances à l’ocre foncé pour les plus tardives.
Ce tableau donne de nombreux renseignements.
Examinons l’année 2013 : toutes les plantes sans exception sont en retard, allant de 7 à 19 jours avec une moyenne de 13 jours. Si on calcule mois par mois, on obtient pour mars 13,2 jours, pour avril 13,6 et pour mai 12,1. Autant dire que le retard est constant sur les trois mois.
Floraisons et températures
Comparons ces résultats avec la météo du printemps. Les températures étaient médiocres tout au long du trimestre. Février était dans les normes, mais mars n’a vu aucun réchauffement. En avril les températures remontent mais n’atteignent pas le niveau normal. En mai, peu d’évolution (voir tableau ci-après).
Ainsi, le retard important des floraisons est en relation avec les faibles températures de ce printemps. Toutes les plantes sont concernées par ce retard. Côté temps, les précipitations sont à peu près conformes à la moyenne, par contre le ciel est beaucoup plus souvent gris.
Dans ce tableau, la température moyenne est la moyenne mensuelle des températures relevées le matin vers 8/9 heures et l’après-midi vers 15 heures. Le début de floraison correspond à la moyenne mensuelle des écarts entre la date réelle et la date typique. J’y ai ajouté le mois de février car le développement des plantes dépend essentiellement du temps qu’il fait avant la floraison. Le classement des années est fait dans l’ordre croissant des floraisons.
On voit alors que :
• 2013 est la plus en retard, ce qui correspond bien aux températures les plus faibles.
• 2015 est en léger retard (4 jours) en mars, mais le rattrape et prend même de l’avance en mai, pour des températures de 2 à 3 °C supérieures à 2013.
• 2012, un peu en avance en mars, la perd en avril à cause de températures plutôt faibles (-3°C par rapport à 2015). On se rapproche ainsi des dates typiques. Avec une bonne température, mai reste dans les floraisons typiques. A noter que pour le mois de février, il faut distinguer la première quinzaine qui a été glaciale avec de nombreuses journées complètes où la température est restée sous le zéro (moyenne -2,6°C), alors que le temps s’est nettement amélioré en seconde quinzaine (moyenne +7,9°C). Cette première quinzaine, malgré un développement complètement figé des plantes, n’a pas entrainé de retard. Pour preuve, une légère avance dans les floraisons en mars.
• 2011 a une semaine d’avance. Pourtant les températures de février et mars sont peu différentes de 2012, elles s’en distinguent seulement à partir d’avril où on atteint 20°C et où l’avance s’accroit passant de 6 jours à 12 jours en mai. Côté temps, mars 2011 et 2012 sont équivalents, peu pluvieux et bien ensoleillés. L’explication provient probablement d’un mois de février avec seulement 5 jours de gelées matinales réparties sur le mois en 2011, alors que la végétation a été complètement bloquée jusqu’au 15 en 2012. A noter, le faible nombre de données pour 2011, ce qui peut aussi perturber les moyennes.
• 2014 est l’année la plus précoce avec une douzaine de jours d’avance. C’est aussi le printemps le plus chaud, malgré les mois d’avril et mai un peu plus frais que 2011 mais sans que ceci n’ait d’influence sur la végétation.
Evolution des températures
Le graphique ci-dessous indique l’évolution des températures (vous verrez que j’adore tableaux et graphiques, je trouve que c’est très parlant).
En traits continus, ce sont les températures moyennes de la période étudiée par quinzaine (Q.). En pointillé, ce sont les moyennes lissées des extrêmes relevées par quinzaine.
On constate que les courbes sont presque linéaires, les températures les plus basses étant en janvier. Les variations sont de 5 à 7°C, en plus ou en moins, pour les températures de l’après-midi, un peu moins pour celles du matin.
On voit ainsi que les floraisons seront très en avance si les températures réelles sont proches du pointillé supérieur, et très en retard si elles sont proches du pointillé inférieur.
Sur le graphique suivant, j’ai ajouté les températures relevées en 2013 et 2014. Cela commence à devenir confus, mais on voit tout de même que de février à avril les températures sont proches du maximum pour 2014 et du minimum pour 2013, puis reviennent vers les températures typiques en mai. Cela ne se traduit pas dans les floraisons de mai car le développement des plantes est conditionné par le temps qui précède.
En conclusion
On arrive bien à définir une relation entre les températures et les floraisons.
• Pour une année donnée l’ensemble des plantes suit le même décalage.
• On retiendra que l’année 2014 est « la plus en avance » et que l’année 2013 « la plus en retard ». Il est probable que l’on ait atteint les possibilités extrêmes avec ces deux années. Cela donne une plage de près d’un mois entre les floraisons les plus précoces et les plus tardives.
• On constate aussi que le décalage que l’on observe en mars se prolonge en général tout au long des trois mois.
Malheureusement je n’ai pas pu faire de relevés en 2016. Cela est dommage car c’était encore une année exceptionnelle. Je vous donne rendez-vous en juin pour faire le bilan du printemps 2017.
* A l'instar du protocole établi par les chercheurs en phénologie de l'Observatoire Des Saisons, l'auteur choisit un stade qui marque pour lui le début de la floraison des espèces qu'il étudie.
En effet, lorsque vous observez et relevez le stade 10% (que ce soit dans la sortie des feuilles, des fleurs ou de la sénescence des feuilles), vous observez le stade qui marque le début de cet évènement.
Jacqva
Merci à Jacqva pour ces précieuses nouvelles contributions !