Observatoire des Saisons

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Le 3 janvier 2012, par admin

Portrait de l'ODS : Bernard Seguin

Bernard Seguin est chercheur dans les domaines de la météorologie, la climatologie et de la télédétection appliqués à l’agriculture et à la biosphère continentale. Maintenant à la retraite, il fut responsable de la Mission sur le Changement Climatique et l’Effet de Serre. Il a participé à différents comités scientifiques, a travaillé avec l’Europe et a contribué aux travaux du GIEC1 au niveau international.

portrait

Qu’est-ce qui vous a amené à étudier le réchauffement climatique ?

J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur agronome à l’Institut Agronomique de Paris en 1968. La même année, j’ai été affecté à la station de bioclimatologie de l’INRA à Avignon où j’ai réalisé une thèse sur la mécanique des fluides turbulents. Une formation d’agronome donc, combinée à des compétences poussées en physique et physique de l’atmosphère, m’ont donné les compétences adéquates pour étudier la Bioclimatologie.

Durant ma carrière, j’ai étudié la climatologie et son rapport avec l’agronomie, les phénomènes physiques et biologiques impliqués, mais aussi l’application agricole de ces recherches, puis la télédétection Infra Rouge Thermique, la cartographie d’évapotranspiration d’un couvert végétal… et la liste est non exhaustive !

En tant que directeur responsable de la mission « Changement Climatique et Effet de Serre », j’ai travaillé aux côtés de spécialistes climatiques, de zoologistes, de pathologistes animal et végétal. Nous vulgarisions nos recherches, ce qui a permis de répondre à un besoin de concertation et de cohérence entre les projets de recherche en rapport avec le changement climatique.

En quoi consiste votre travail ?

La phénologie des espèces, quoique suivie depuis des siècles, devient un indicateur clef avec la question du réchauffement climatique. Les premières manifestations du réchauffement climatique sont surtout observées sur des fruitiers, aux floraisons de plus en plus précoces. Les impacts sont peu visibles mais sur le long terme on constatait une évolution... lente, conjuguée à la variabilité annuelle du climat. Difficile donc d’en tirer des conclusions fiables. Nous avions besoin de données comparables : mêmes variétés et séries homogènes fournies par des personnes qui suivent des vergers (producteurs, conservateurs...). Les généticiens, qui mettent au point des parcelles expérimentales pour tester les variétés sur le long terme, nous ont beaucoup aidés à partir des années 2000. C’est à cette période que leurs analyses dépassent la simple notation des dates de floraison, pour observer également la fructification, l’alternance de production, des indicateurs de stress hydrique et thermique, etc. Nous avons donc, grâce à ces soutiens variés, crée une base de données sur les fruitiers et les variétés de vignes. En 2002, 10 espèces fruitières communes y étaient représentées.

Quels sont les résultats marquant de vos recherches ?

La Phénologie est un indicateur du climat. En voici une petite illustration : la vigne est aujourd’hui mature le 20 août, contre le 10 septembre il y a une trentaine d’années. Ces données n’étaient à l’origine pas destinées à l’analyse du changement climatique, les agriculteurs et producteurs s’y intéressent de longue date tout simplement pour optimiser leur rendement et la lutte contre les ravageurs. Assez vite, on a observé une évolution marquée sur la vigne et autres espèces modèles. Malgré des données concernant différentes techniques et variétés, on note une évolution très perceptible, même si le réchauffement fut de « seulement » 1°C, ces 30-50 dernières années. Cela a renforcé notre volonté de comprendre et anticiper l’impact du changement climatique à long terme sur l’agriculture. L’observation sur le long terme doit être soutenue même si ce n’est pas payant à court terme !

Autre point : la différence entre l’agriculture et la nature sauvage (arbres plantés ou non). Sur l’agriculture les choix humains jouent énormément. Par exemple, les dates des vendanges de plus en plus précoces peuvent être dues au climat, mais aussi à l’évolution des cépages. Cependant les cépages sont plutôt choisis pour leur récolte tardive (augmentation du rendement et de la qualité). De plus, un vin qui cotait à l’époque 11° atteint maintenant 13°. Dans ces 2 cas, ce n’est pas seulement le choix des variétés ou l’ensoleillement qui impactent la vigne mais aussi et surtout le CC. Pour trancher, une modélisation est nécessaire, qui confirme ces tendances de réponse au climat.

En 2004, un réseau Européen d’observation phénologique s’est constitué et j’ai été désigné avec Isabelle Chuine pour agir pendant 5 ans, avec les représentants d’environ 20 pays, dans ce réseau. Notre travail a permis de composer une base de données européenne. Cependant ce sont principalement les autres pays qui ont alimenté initialement cette base de données car il n’y avait pas de suivi de la végétation naturelle en France. Face à l’immobilisme qui régnait dans l’hexagone, nous avons eu l’idée de créer un Groupement de Recherche sur la phénologie, qu’Isabelle Chuine anime depuis, et qui est à l’initiative du programme Observatoire des Saisons

1 GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
2 Biosphère : système planétaire incluant l’ensemble des organismes vivants et des milieux où ils vivent.

Article tiré de la lettre bisannuelle Automne-Hiver 2011